Un Soleil immuable : quand notre vieux compagnon illumine nos arts.

charles perez
4 min readMay 29, 2021

Il y aura toujours un Soleil pour accueillir une journée, qu’elle soit triste, difficile, joyeuse, qu’elle soit la première ou l’ultime de nos existences. Il y aura toujours un Soleil. Comme l’écrivait Louis Aragon, il y aura toujours une aube première… Le Soleil est tout de même âgé de 4,603 milliards d’années. Bien plus âgé que notre Terre dont il est en partie la cause. Comme un repère immuable de nos vies et pourtant constamment en mouvement. Tous les élans de ce monde, microscopiques et macroscopiques, s’émeuvent de voir les choses s’immobiliser sous nos yeux. Du quantique en mouvement et en incertain, à nos objets figés, nos repères sont réguliers.

Le Soleil est l’un de ces repères immuables malgré son mouvement de rotation permanent. C’est ce même et fidèle compagnon qui eut éclairé les batailles des Grecs, celles des Romains, les constructions de sept merveilles, dont il vit s’effondrer six, celui qui accompagnait et réchauffait les reflets d’argents de la mer. Celui qui a bercé les premières formes de vie, les mollusques, les algues, les poissons, les reptiles, les insectes, les dinosaures, les oiseaux, les dauphins, les chiens, les chats et bien sûr les primates. Enfin, les primates devenus artistes savent ce qu’ils lui doivent. Il est le précieux collaborateur de nombreux artistes. Précieux au point de lui ouvrir un accès privilégié à leurs ateliers, leurs maisons avec de grandes fenêtres pour lui permettre de s’exprimer et leur permettre de s’exprimer. Léonard de Vinci insistait sur la lumière et sur son rôle dans la création artistique :

« La sculpture exige d’abord une certaine lumière, c’est-à-dire une lumière d’en haut, et la peinture emporte partout avec elle sa lumière et son ombre ; la sculpture doit son importance à la lumière et à l’ombre. »[1]

Un Soleil jusqu’à un dieu Aton avec des mains posées sur le monde pour l’Égypte antique. Akhénaton avait réussi l’exploit de propulser le Soleil jusqu’au rang de religion, l’hénothéisme (Figure).

Représentation de Athon et de ses rayons solaires qui se terminent par des mains.

Il vit naitre toutes les œuvres de tous les humains et tellement plus. Il s’est levé les jours où la vie n’avait pas de sens, d’existence, il se lèvera les jours où la vie n’aura plus aucun sens. Il était là cette simple et banale journée de 2018. Une journée passée sur les basses terres du Gosier en Guadeloupe. Ce matin d’automne, ses rayons me réchauffaient et les sucriers (oiseaux de l’ordre des Passeriformes) venaient gratter du sucre autour de mon café. Il y était pour quelque chose, à cet instant précis où mon cœur se sentait heureux. Heureux d’appartenir à cet instant du temps et sur ce minuscule bout de terre. Terre dont il faut bénir patience et fidélité. Ce messager du bonheur nous fait un bien sans pareil. Ce qui nous donne envie de vivre et de créer par-dessus tout, je le crois, c’est le Soleil. Quoi de plus normal ? Nous lui devons notre possibilité de vivre, situé à une distance idéale de la Terre qui lui permet de porter la vie. Quelques variations infimes de cette distance auraient condamné toutes formes de vie, réduisant au néant toutes raisons de le contempler. Enfin, miracle parmi les miracles, quand il se cache, il laisse place à un ciel étoilé. Un ciel qui ouvre une porte vers l’infini. Un voyage dans le temps et dans l’espace. Une image céleste qui est peut-être la seule n’ayant pas évolué aux yeux des hommes pendant des millénaires. Elle s’offre à nous la nuit avec autant de facilité qu’elle le faisait à l’aire jurassique. S’il est une chose que les hommes de toutes les époques ont contemplé, c’est le Soleil, les étoiles.

Il n’est qu’une étoile parmi des milliards, mais il a ceci d’unique, il existe dans le regard d’un être qui pense et qui rêve. Dans le regard d’une espèce créative et imaginative, consciente, si on peut l’être, de sa place au cœur de milliards de milliards de galaxies, elles-mêmes aux milliards d’étoiles. C’est bien cela qui le rend grand. Une ouverture dans un espace lui paraissant sans limites et sans frontières. Cette recherche de liberté porte l’art et ne le contraint pas. Pourtant, notre digitalisation pose la question, de ces barrières, de ces cadres qui bien que virtuels impactent sur nos œuvres.

[1] Leonard de Vinci, Thoughts on Art and Life, 1906.

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charles perez

Professeur associé à la paris school of business. Docteur en science de l’information. Auteur du manuel du métavers